Jérôme Caza
Bertrand Delais
Vincent Chirol
xx
France 3
90'
2018
« "La Fin de l’innocence" est une affirmation d’Emmanuel Macron sur ce qu’est être président. »
Bertrand Delais a suivi Emmanuel Macron depuis 2016 et durant 9 mois pour la réalisation du documentaire Macron président, la fin de l’innocence.
Pour évoquer sa première année à l’Élysée, le président de la République a accepté de revenir sur certains faits marquants, sélectionnés par le réalisateur.
De nombreux observateurs de la vie politique française ont également participé au documentaire évènement.
Avec les interviews de :
Vous avez réalisé en 2016 Dans la tête d’Emmanuel Macron puis en 2017 En marche vers l’Élysée. Peut-on voir dans ce nouveau documentaire une volonté de poursuivre les deux précédents ?
C’est le cas. Avec Dans la tête d’Emmanuel Macron, je m’intéressais à l’ovni qu’était Emmanuel Macron lorsqu’il est apparu en politique. Un homme, dont très vite j’ai compris qu’il volerait de ses propres ailes. Et la suite m’a donné raison. Deux mois après la fin du tournage, en août 2016, Emmanuel Macron a démissionné de ses fonctions pour entrer en campagne. C’est ainsi qu’en septembre, à l’époque où personne n’y croyait et où il n’était pas officiellement candidat, nous avons commencé En marche vers l’Élysée. À l’époque, je ne savais pas trop où j’allais, je ne connaissais pas le calendrier, j’ai juste voulu « mettre un pied dans la porte » et prolonger ce portrait. Au regard de la campagne, nous avons souhaité l’entendre nous en parler. Un exercice d’auto-analyse auquel il s’est prêté avec aisance et qu’il réitère dans ce nouveau documentaire.
Comment s’articule-t-il ?
J’ai pris le parti de sélectionner des événements nationaux ou internationaux qui me semblaient être importants dans l’instant et qui le resteront peut-être sur le long terme. Figurent ainsi sa prise de fonction, sa première décision, ses rencontres avec Vladimir Poutine et Donald Trump, son discours sur l’Europe à la Sorbonne, les obsèques de Johnny Hallyday, l’attentat de Trèbes, l’hommage national rendu au colonel Arnaud Beltrame... Autant d’événements sur lesquels le président revient, s’explique. Et pour la première fois, j’ai choisi d’avoir des contre-points à cette parole présidentielle en faisant réagir des universitaires, des éditorialistes, des opposants, des hommes politiques étrangers.
Est-il plus difficile de tourner un documentaire sur un président que sur un candidat ?
Ce fut aussi compliqué mais pour des raisons différentes. Chaque situation apporte son lot de difficultés pour obtenir des accès privilégiés, pour être présent sur la durée. En raison du protocole, il est ainsi arrivé que mon chef opérateur parte seul. Mais que j’aie pu ou non être présent, vous verrez des images tournées en Tunisie, en Corse, en Angleterre, à Strasbourg. Enfin, demander au candidat ou au président de la République de disposer d’une heure et demie pour l’interviewer, même s’il a donné son accord, c’est compliqué. Et n’y voyez aucune mauvaise volonté de sa part, simplement une question de priorités.
À la fin de votre précédent documentaire, il vous disait : « La politique, c’est un geste. » Quel est celui qui vous a marqué au cours de cette première année à l’Élysée ?
Parmi les moments forts qui ressortent dans le film, je citerai le discours sur l’Europe, donné à la Sorbonne le 26 septembre 2017. Même si les Français y sont peu sensibles, il fait partie des discours dont l’histoire se souviendra. Je retiendrai aussi les hommages qu’il a rendus à Johnny Hallyday puis au colonel Arnaud Beltrame et ce qu’il en dit. Alors qu’une partie de la population française se sent de plus en plus abandonnée par les politiques, rappelez-vous ses mots. Il s’est adressé à une France à laquelle on ne parlait plus.
Vous le suivez depuis deux ans. Qu’est-ce qui a changé depuis son élection ?
Notre regard sur lui. On ne regarde pas un candidat à l’élection présidentielle de la même façon qu’on regarde un président. Mais Emmanuel Macron n’a pas attendu d’être président pour être habité par la fonction, pour revêtir une forme de gravité et d’éloignement. Comme il le rappelle dans En marche vers l’Élysée, il s’était préparé à cette « mue de représentation ». Et elle est perceptible dès février-mars 2017.
Quel président est-il ?
Il renoue avec ce que j’appelle « l’inconscient monarchique français ». Ces présidents un peu monarques qu’étaient le général de Gaulle ou François Mitterrand. Au fond, et c’est en cela qu’il revendique de ne pas être un président normal, il a conscience d’être entré dans l’histoire, comme d’autres présidents avant lui. Là où Nicolas Sarkozy était dans une forme de jouissance narcissique et où François Hollande récusait, par une espèce de modestie, cette inscription dans l’histoire, lui, l’assume sans complexe et l’affirme de manière assez vertigineuse.
Propos recueillis par Clotilde Ruel